À l’heure d’Alma #7

 « À l’heure d’Alma » est une chronique web qui partage une discussion enrichissante entre Arte-Fac et un acteur du campus d’Alma venu visiter une de nos expositions. Deux questions lui sont posées : qu’est-ce que tu vois ? Qu’est-ce que l’œuvre te fait ressentir ?

Mercredi 15 novembre, 12h30.

Depuis le 3 novembre 2023, des affiches rouges vifs habillent les murs bétonnés du campus de l’UCLouvain à Bruxelles Woluwe. Celles-ci ont été créées par l’artiste belge Camille Dufour. Elles s’inscrivent dans le projet d’affichage urbain « Nos Corps » qui interroge l’idéalisation du corps des femmes dans l’espace public. À partir de témoignages recueillis, ce travail de lithographie tente de rendre visible la diversité des corps des femmes dans leurs singularités.

À cette occasion, Arte-Fac a rencontré Ginger Orrigo Dhont, nouvelle recrue au sein du Service d’Aide aux étudiants de l’UCLouvain à Woluwe, afin d’échanger avec elle autour d’une des images de l’exposition qui l’a particulièrement marquée, celle représentant l’aisselle d’Alice, 22 ans.

Sur cette affiche, je vois une aisselle avec des poils. J’interprète que c’est une femme mais sinon, rien ne me l’indique. En regardant en détail, je vois qu’il y a un nom et un nombre d’exemplaires en bas à droite. Il y a un petit papier avec un QR code à scanner qui – j’imagine car je ne l’ai pas fait – arrive sur des explications. C’est bien de l’avoir mis car sans ça, tu pourrais te demander pourquoi il y a un corps nu exposé quelque part – tu ne sais pas trop. 

L’image est rouge. La couleur rouge attire l’œil. J’associe beaucoup cette couleur à l’émotion de la colère mais je ne sais pas si Camille Dufour a choisi cette couleur pour cela, pour revendiquer une autre image que celle qui est revendiquée dans les réseaux sociaux, le marketing et tout ça. La femme parfaite, toute lisse, sans poils. C’est rouge mais c’est assez doux, ce n’est pas un rouge pétant. Ça permet de bien ressortir dans un environnement en ville qui est en général tout gris. 

Quand on représente la peau dans une image ou dans l’illustration, en général, c’est lisse. Sauf s’il y a des grains de beauté ou des signes distinctifs qui permettent de reconnaître un personnage ou quelqu’un. C’est bien car la peau n’est pas toute lisse, il y a des choses dessus. Ça renvoie au monde de la photo où tu vois des modèles tout lissés. C’était comme si ce n’était pas réel, il n’y a pas de grain.

Je suis super contente de lire qu’Alice est une jeune de 22 ans qui arrive à sortir de l’injonction à la beauté par rapport à la pilosité. C’est quelque chose qui me touche beaucoup. Je trouve ça chouette qu’il y ait des femmes qui arrivent à s’assumer avec leurs poils. Je me rends compte que personnellement, j’ai encore beaucoup de chemin pour déconstruire des choses. J’aimerais trop pouvoir faire cela.

Je trouve ces filles qui arrivent à s’assumer hyper badass ; qu’elles réussissent à sortir dans l’espace public comme ça parce qu’à la maison, dans un cadre plus intime, ça peut être ok mais moi ce avec quoi j’ai du mal c’est vraiment le regard extérieur des gens. J’ai l’impression que les gens vont me juger. J’ai le sentiment que ces affiches sont aussi liées au féminisme, après je ne sais pas, peut-être pas forcément. Je trouve ça chouette qu’il y ait de plus en plus de jeunes qui se posent des questions dès l’adolescence, à un moment où tu réfléchis beaucoup à ton rapport au corps. 

L’image me fait ressentir du dégoût. Quand les poils sont sur moi, ça me dégoûte. Quand c’est sur les autres, ça va un peu mieux. Je sais que c’est encore une construction car on m’a dit que c’était dégueulasse, que c’était pas hygiénique, que tu prenais pas soin de toi, que c’était sale, on te faisait ressentir comme si tu étais une mauvaise femme. Mon premier ressenti c’est celui-là mais en même temps, dans un second temps je ressens de la fierté que cette femme le fasse. Je me dis que si on le voit de plus en plus ça va être normalisé un jour – j’espère. Et on ne se posera même plus la question des poils, ce sera juste un corps qui vit et peu importe à quel genre c’est associé et ce qu’il y a dessus.

Et vous, qu’est-ce que l’exposition vous a fait ressentir ? Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour partager vos impressions et découvrir l’ensemble de nos activités.