50 ans d’histoire : à la découverte du campus UCLouvain Bruxelles Woluwe

L’année académique 2024-2025 en cours marque le cinquantième anniversaire de la présence de l’UCLouvain à Bruxelles. A cette occasion, tout au long de l’année, Arte-Fac partira à la rencontre de différentes personnalités qui nous dévoileront un pan de l’histoire du site et qui présenteront leur relation à et leur vision du campus de l’UCLouvain Bruxelles Woluwe. 

Pour inaugurer cette série d’entretiens, Arte-Fac s’est plongé dans les coulisses de la fondation du campus, qui nous seront racontées par Jean-Marie Gillis, professeur émérite en médecine ; Marc Crommelinck, professeur émérite en neurosciences ; Thérèse Van Troyen, ancienne assistante sociale au sein du Service d’aide aux étudiants ; et Didier Moulin, ancien médecin aux Cliniques Saint-Luc et doyen de la Faculté de médecine. 

Tous les quatre ont contribué à dynamiser la vie culturelle sur le campus de Woluwe au profit des étudiant•es pendant de nombreuses années. En effet, Jean-Marie Gillis, Marc Crommelinck, Thérèse Van Troyen accompagnés de Philippe Van Meerbeeck et Jean-Pierre Molders sont à l’origine de la création… d’Arte-Fac ! Par la suite, Didier Moulin a, quant à lui, assuré la relève de Jean-Marie Gillis à la présidence de l’ASBL.

Ils ont vécu la fondation du site universitaire et suivi son évolution, d’un espace champêtre dépeuplé au campus bétonné et animé qu’on connaît aujourd’hui. Ils nous ont confié leurs anecdotes et leurs souvenirs.

Il y a 50 ans, en 1974, dans la foulée du mouvement Walen buiten, le département francophone de la faculté de médecine de l’Université Catholique de Louvain quittait Leuven dans le Brabant flamand et s’installait dans la commune bruxelloise de Woluwe-Saint-Lambert. Les prémices du campus connu aujourd’hui sous le nom de l’UCLouvain Bruxelles Woluwe étaient jetés. 

Cette année-là, commence Jean-Marie Gillis, le laboratoire de physiologie qu’il dirigeait – auparavant basé à Leuven -, déménage sur le nouveau campus à Woluwe. À l’époque, il n’y avait alors pas grand chose à voir ou à faire sur le site. Il n’y avait pas de verdure, les chemins étaient boueux. Dès 17h, le site se vidait complètement. La station de métro “Alma” n’existait pas encore, le campus se trouvait isolé. 

Vue sur les Auditoires Centraux
Vue sur les bâtiments de la Mairie et de la Mémé
Vue sur l’école de Santé Publique

Jean-Marie Gillis évoque, le sourire aux lèvres, l’époque où les locaux n’étaient pas fermés à clé… et les situations surprenantes qui en découlaient : “Dans notre Tour, la Tour Harvey, un matin on a vu que tous les WC et tous les éviers avaient disparus. On était venu pendant la nuit pour tout prendre”. 

Comment expliquer ce déménagement dans une zone isolée et champêtre de Bruxelles et non pas à Louvain-la-Neuve comme les autres facultés francophones ? Le vide en terme hospitalier à l’Est de Bruxelles est une des raisons évoquées. En effet, la faculté de médecine avait besoin d’un hôpital pour les stages des étudiant•es. C’est ainsi qu’il a été décidé que le secteur des soins de la santé  s’installerait à Woluwe-Saint-Lambert, à l’endroit où se trouveraient les futures Cliniques Saint-Luc, inaugurées quelques années plus tard en 1976. 

Tout comme Jean-Marie Gillis, Didier Moulin, arrivé dès 1976 dans le nouvel hôpital, se rappelle du campus comme un lieu à l’écart, un désert animé la journée et vide le soir. Selon lui, la réalité de la vie sur ce site était largement ignorée par les autorités administratives et universitaires basées à Louvain-la-Neuve, mais aussi par les enseignant•es des facultés des sciences de la santé qui ne s’intéressaient pas à la vie des étudiant•es. 

Ce manque de connaissances quant aux envies et aux problématiques auxquelles font face les étudiant•es sur le campus, Thérèse Van Troyen, arrivée en 1985 au sein du Service d’aide aux étudiants de Woluwe, s’en rend elle aussi très vite compte. Le Service d’aide, après avoir créé un “Service job” pour être au plus proche des étudiant•es, a alors réalisé une grande enquête pour connaître leurs besoins en termes d’infrastructures et de qualité de vie. Thérèse Van Troyen nous raconte ce moment-clé : 

On faisait remplir, à l’entrée du Restaurant Universitaire, un questionnaire sur les perceptions qu’avaient les étudiants du site, sur ce qu’il manquait et sur leurs souhaits. On a eu des réponses très comiques du style “il manque ma copine” ou “il manque des distributeurs de préservatifs”. On avait de tout mais de nombreuses personnes disaient aussi qu’il manquait une âme, une vie culturelle ici. On a donc décidé d’étudier ces réponses avec les représentations étudiantes existantes, c’est-à-dire les cercles étudiants, très actifs à l’époque.

Alors que la vie culturelle à Leuven était très riche et qu’à Louvain-la-Neuve des lieux culturels comme la Ferme du Biéreau ou le théâtre Jean Vilar étaient restaurés et investis par l’université, sur le campus de Woluwe, souligne Marc Crommelinck, “c’était le désert culturel”. L’envie d’organiser des activités culturelles était pourtant bien présente, notamment du côté des cercles étudiants. Mais ils n’avaient ni le temps, ni l’argent pour le faire. Il manquait des moyens financiers, confirme Marc Crommelinck. 

Il y a bien eu quelques initiatives culturelles sur le site avant l’apparition d’un organe officiel au sein de l’université et sur le campus de Woluwe, mais elles résultent de l’effort d’individus isolés. Citons l’exemple de Madeleine Denis, secrétaire de l’administrateur délégué à Woluwe vers 1985. Jean-Marie Gillis rappelle ainsi qu’on lui doit énormément pour avoir initié une présence artistique et culturelle sur le site. Elle organisait notamment des concerts de midi dans l’auditoire Lacroix, et ceux-ci avaient, semble-t-il, beaucoup de succès. Et c’est elle, continue le professeur émérite, qui a imaginé le Jardin des Sculptures. En parallèle, des expositions étaient organisées par différents professeurs dans le hall de la bibliothèque des Sciences de la Santé. Ils invitaient des artistes à venir exposer leurs œuvres. Une vie culturelle a commencé ainsi à naître, de façon organique et spontanée, sur le campus.

A la suite de l’enquête, et après s’être rendus compte de l’importance aux yeux des étudiant•es de donner une âme au site universitaire, l’idée de créer une structure culturelle plus organisée et financée par l’université commence à prendre forme dans la tête de Jean-Marie Gillis, Marc Crommelinck, Thérèse Van Troyen et d’autres professeurs. Il faudra cependant attendre encore quelques années pour qu’Arte-Fac, dont le nom a été trouvé par un étudiant du cercle de la Mémé, voit officiellement le jour en 1993. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la création de l’ASBL ne se fit pas sans quelques remous… Mais cette histoire sera à découvrir dans un prochain épisode ! 

En résumé

En 1974, le département francophone de la faculté de médecine de l’Université Catholique de Louvain s’installe à Woluwe-Saint-Lambert, à l’endroit où sera construit deux ans plus tard l’hôpital universitaire. Le campus de l’UCLouvain Bruxelles Woluwe manque à ses débuts d’une âme. Le campus est déserté, à l’écart. Quelques activités artistiques et culturelles sont organisées par des membres de l’université et des cercles étudiants, mais elles restent le fruit d’initiatives personnelles et ponctuelles. A la suite d’une enquête réalisée auprès des étudiant•es sur le campus par le Service d’aide de l’UCLouvain, l’idée de créer un organe culturel mieux organisé et financé par l’université prend alors tout doucement forme…