Depuis le jeudi 3 avril 2025, l’oeuvre Acid Rains de Léopoldine Roux, composée de six toiles suspendues aux mats à l’entrée des Auditoires Centraux, est visible sur le campus UCLouvain Bruxelles Woluwe. A cette occasion, Arte-Fac est parti à sa rencontre.


Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
Je suis diplômée de l’école supérieur d’art de Bretagne. J’ai un master en Arts visuels de La Cambre et j’enseigne à l’académie des Beaux Arts de Saint Gilles à Bruxelles. Je suis membre du collègue des Alumni de l’Académie Royale des Beaux Arts de Belgique. Je vis et je travaille à Bruxelles. Je peint comme un explorateur. Depuis 25 ans, je recherche toutes les possibilités (sensorielles & physiques) qu’offrent la couleur et son matériau. Pierre, matières naturelles, matières recyclés, chewing gums, vernis à ongles, huile, lin, déchets industriels… La couleur est partout et est devenu mon médium que j’explore.
Acid Rains présente une série six toiles suspendues à des porte-drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel. Ces toiles ont été brûlées par des gouttes de pluie acides. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre processus créatif ?
Au départ, j’ai récolté des gouttes d’eau de pluie sur des papiers recouverts de peinture, au pied de centrales nucléaires, à proximité de grands axes de circulation routiers… Proches d’endroits à forte émission de d’oxyde d’azote et de dioxyde de souffre. En séchant, les gouttes de pluie imprègnent la couleur de leur passage. Bruine légère, flocons de neige ou pluie ventée, la trace des gouttes d’eau a marqué la surface de la peinture. Le temps laisse son empreinte. Puis je les cautérise en les brûlant une à une. Les six kakémonos sont des impressions sur toile de ces papiers. En flottant dans les airs, ces petites traces d’intempéries corrosive, imprimées en grands formats, deviennent des marqueurs de notre empreinte écologique.
Quels messages souhaitez-vous faire passer avec « Acid Rains » ?
Cette série de six kakémonos suspendus aux mats de l’entrée des Auditoires Centraux aborde la question de notre rapport à la crise environnementale, à un besoin, notre besoin vital d’imaginer un avenir meilleur. Je voudrais dire qu’un de mes voeux les plus chers serait que l’Art puise atténuer, tempérer, adoucir les plaies qui gangrènent le monde. En vain, bien sûr. Mais je suis attachée à l’idée que l’Art peut changer les regards et nous donner une lecture du monde dans lequel nous vivons. Acid Rains est une tentative d’harmonisation d’une catastrophe écologique programmée.
« Acid Rains » aborde la question de notre rapport à la crise environnementale. Quels rôles peuvent jouer les artistes face aux bouleversements écologiques actuels ?
Acid Rains est une oeuvre météorologique, une mise en abîme des dégâts qui seront causés par la pollution et la contamination accrue des eaux de notre planète.
Les pluies acides résultent essentiellement de la pollution de l’air par le dioxyde de soufre produit par l’usage de combustibles fossiles riches en soufre, ainsi que des oxydes d’azote qui se forment lors de la combustion. L’action humaine sur l’environnement, les usines, le chauffage et la circulation routière en sont les principales causes. L’incinération de certains déchets plastiques, et les activités agricoles contribuent également aux pluies acides.
Dans le monde, l’acidification par le soufre a nettement diminué depuis 10 ans mais l’acidification par l’azote avec ses nanoparticules augmentent ; et tous les pays industrialisés sont touchés.
La couleur est un composant essentiel de l’oeuvre. Que signifie-t-elle pour vous ?
Sans le travail sur la couleur, je n’existe pas. Je conçois la couleur comme un medium liant le trait, la peinture et la sculpture. On est dans l’ordre de la matière, du sensoriel et du tactile. Pour reprendre les mots si bien écrits de François de Coninck :
Cette vérité subjective détermine depuis vingt ans le champ d’une pratique artistique décloisonnée : On est ici pleinement dans l’ordre de la matière, du sensoriel et du tactile. La couleur, chez Léopoldine Roux, est une eau vive : une coulée matérielle, un flux vivant, une force mouvante et ondoyante qui déborde du cadre du tableau et de la surface plane de l’image pour s’épancher, en nappes généreuses et onctueuses, sur le monde réel des objets, des choses et de l’espace public – autant de lieux d’expérimentation du medium couleur en soi. (…) Et ce faisant, la couleur s’émancipe du champ bien ordonné de la peinture, elle s’affranchit de ses codes. Ni abstraction ni figuration : pure matière en vadrouille.